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Profession : député
Récemment, un pur produit de l’élite française nommé Emmanuel Macron déclarait : « Je ne fais pas partie de cette caste politique et je m’en félicite. Nos concitoyens sont las de cette caste » (SudOuest.fr, 9 mai 2016). Il réclamait l’émergence de « nouveaux visages » et érigeait « l’immaturité et l’inexpérience » en argument de campagne. La critique de la professionnalisation de la politique est populaire ; si populaire qu’elle peut même ouvrir le chemin de l’Élysée.
Ces trajectoires tant décriées n’apparaissent pas d’emblée dans les statistiques. Conscients du stigmate qu’elles impliquent, les élus font tout pour s’en démarquer. Interrogés, ils rejettent en bloc le terme même de « carrière » au profit d’un vocable plus neutre, comme « parcours de vie », ou évoqueront même une « vocation », mélange de devoir et de passion.
Pourtant, une grande transformation des voies d’accès à la politique et des filières de recrutement a marqué les dernières décennies. C’est ce que démontre une enquête inédite menée sur quatregénérations de députés français. Au cours d’une étude menée à l’Assemblée, nous avons reconstitué le parcours de 1 738 d’entre eux, des années 1970 à nos jours, dressant un tableau inédit de la représentation politique en France.
Âgés de 54 ans en moyenne, plus diplômés que le reste de la population et appartenant dans leur grande majorité aux classes supérieures, les députés des années 2010 sont aussi très majoritairement des hommes. En termes d’expérience, les élus de 2012 sont bien plus vieux que leurs homologues des années 1970, accréditant ainsi la thèse d’une professionnalisation.
En moyenne, les députés de 2012 auront passé 67 % de leur vie adulte en politique, contre 46 % pour ceux de 1978. Au moment de leur élection, les membres de l’Assemblée sortante y avaient passé déjà douze années, alors que, en 1978, six années en moyenne suffisaient pour accéder au Palais-Bourbon.
Comment expliquer cet allongement du chemin qui mène à la représentation nationale? La réponse se trouve d’abord dans l’augmentation du nombre de mandats électifs consécutive à la décentralisation, avec la création de mandats régionaux et intercommunaux. Elle tient aussi à la croissance exponentielle des effectifs d’assistants parlementaires, de collaborateurs d’élus, de permanents de partis, mais aussi de communicants ou de membres de structures.
L’accroissement de la « lutte des places », contribue à l’homogénéisation idéologique du personnel politique observée au cours des dernières décennies. Recrutés dans les mêmes viviers, formés dans une matrice commune, les responsables actuels proposent des solutions proches les unes des autres, tout en se distinguant par des manières individuellement remarquables de poser les 31 problèmes. La concurrence dans la file d’attente incite les candidats à se faire connaître par leur nom propre plutôt qu’à travers leur parti, et donc à se démarquer à coups de petites phrases.
Cette stratégie de la personnalisation se perpétue une fois leur place conquise sur les bancs. L’enquête montre que, durant le quinquennat qui vient de s’achever, trente députés ont reçu à eux seuls la moitié des invitations à passer dans une émission de télévision ou de radio nationale. À l’inverse, 46 % des élus n’auront jamais été invités par un grand média audiovisuel au cours de la législature.
La composition sociale de l’Assemblée a également changé. Avec les mutations du Parti socialiste et la quasi-disparition du Parti communiste français de la représentation nationale, les classes populaires ont déserté l’hémicycle. En 2012, on n’y comptait qu’environ 1 % d’anciens employés et ouvriers, alors que ces catégories forment la moitié de la population active ; en 1978, ils étaient un peu plus de 10 %. Au cours des dernières décennies, la part des élus appartenant aux classes supérieures a elle aussi diminué. Le nombre de membres des professions libérales de santé est ainsi passé de 12 % à 6 % entre 1978 et 2012, et le nombre de hauts fonctionnaires, de 13 % à 6 %.
L’allongement du temps politique y contribue certainement. Pour les jeunes des classes supérieures, la nécessité de s’engager de plus en plus précocement est difficilement compatible avec des études longues et sélectives. Quant à leurs aînés, la perspective de se ranger patiemment dans la file d’attente qui mène aux mandats manque d’attrait à leurs yeux. D’autant que l’activité de député est particulièrement chronophage. Le nombre d’heures de séance à l’Assemblée a triplé depuis le début de la Ve République, rendant difficile l’exercice parallèle d’une profession libérale, encore courant dans les années 1960.
L’inaccessibilité des mandats aux ouvriers et employés, le dévoiement de la politique en stratégie de carrière, le népotisme dans le recrutement des assistants parlementaires orientent les débats vers plusieurs pistes de réforme. La diminution des indemnités des élus a toutes les apparences d’une fausse solution.
Les réformes touchant au cumul des mandats favorisent assurément la rotation des postes et redistribuent le pouvoir concentré par les potentats locaux. Mais elles ne sont pas conçues pour changer le profil des nouveaux élus.
Une autre mesure intensément discutée consisterait à tirer au sort tout ou partie des législateurs. Elle apporterait une solution radicale au problème de la professionnalisation et transformerait profondément l’idée même de représentation. Il n’est pas certain que la démocratie sorte gagnante de ce qui s’apparenterait à une ruse de la raison présidentialiste.
Quel que soit leur potentiel transformateur, ces mesures partagent toutefois un prisme individualiste. Toutes postulent que les problèmes contemporains de la politique proviennent avant tout de ses représentants ; ce serait donc sur eux qu’il faudrait concentrer les critiques et les recherches de solutions. Or, pour être vraiment efficace, le débat devrait aussi — et avant tout — porter sur l’organisation même du pouvoir et de la démocratie représentative.
Julien Boelaert et al. Métier : député. Enquête
sur la professionnalisation de la politique en France. Raisons d’agir, Paris, 2017. Internet : <www.monde-diplomatique.fr> (texte adapté).